Le circuit des Annapurnas

De retour à la civilisation et au chaud, voilà un petit résumé de notre folle randonnée.

Jour 1 : Pokhara-Ngadi (890m d’altitude)

Le trajet commence en bus à 06h du matin pour rejoindre le point de départ à Besi Sahar. La musique à fond (une constante dans les bus népalais) nous aidera à nous réveiller. Les 30 minutes à pied, sacs sur le dos, pour rejoindre la station de bus sont déjà un entraînement pour le trek… et on se pose des questions sur le poids des sacs (sachant qu’on a laissé la majorité de nos affaires à notre hôtel de Pokhara)…

Arrivés à Besi Sahar aux alentours de midi, on mange un morceau question de se donner du coeur à l’ouvrage: notre premier Dal Bhat (riz-lentilles)… et pas le dernier! Le gros avantage de ce plat, c’est qu’on est resservi à volonté. Inutile de préciser que Laurent a beaucoup apprécié ce concept, surtout après une journée de marche! On est donc partis à pied, le ventre plein, jusqu’à Ngadi, soit 3h30 de marche pour se mettre en jambes. Beaucoup de randonneurs s’y rendent en bus ou en jeep -il faut dire que le chemin n’est pas passionnant-, mais on s’est dit que c’était un bon échauffement avant de commencer les choses sérieuses. Les journées suivantes représentent en effet 6-7h de marche/jour.

Notre première nuit se déroulera à l’hôtel Hilton (s’il vous plaît!); mais le standing n’est pas celui auquel on pourrait s’attendre :)
Ceci dit, la chambre est gratuite si on mange sur place (fonctionnement qu’on retrouvera pratiquement sur tout le trek). Le propriétaire, Harry, et sa famille sont bien sympathiques. On a même droit à une papaye cueillie directement dans le jardin pour nous faire goûter, et à du Raksi (alcool de riz) maison, servi avec de l’eau tiède et du riz grillé. Ça reste quand même un peu dur à avaler.

hilton

Une petite scène de la vie ordinaire a retenu notre attention: Laurent voit un bus s’arrêter brutalement et un gamin en sortir pour balancer une pierre sur un chat qui venait de traverser la route. Et le bus reste là… et il reste là… jusqu’à ce que des poules traversent la route devant lui… et le bus repart. Harry nous expliquera qu’un chat qui traverse devant vous, ça porte malheur, et qu’il fallait donc attendre qu’un autre animal (ou quelqu’un) “casse” la malédiction en traversant à son tour. Une chance pour les passagers qu’il y ait eu des poules!

Malheureusement pour Harry, il est le deuxième hôtel sur la route, et tous les trekkeurs se font attrapper par la proprio du premier hôtel. Une guerre ouverte a lieu entre les deux, et après une heure passée dans le jardin à observer la route, on comprend! Quelle frustration de voir tout le monde s’arrêter juste avant l’hôtel Hilton! Par sympathie pour Harry, Agathe finit par démarcher des clients… et ça marche. On se retrouve donc avec des voisins de chambrée: un français et une taïwanaise ! La journée se finira par un dîner aux chandelles, un dal bhat avec viande de buffle offerte pour l’occasion! Ah oui, en fait il n’y a pratiquement jamais d’électricité; donc la résistance qu’on a apportée…

Jour 2 : Ngadi-Jagat (1300m)

Les journées débutent tôt dans l’Himalaya, avec le petit déjeuner vers 6h30. En effet, on commence à marcher un peu après le lever du soleil, pour arriver à l’étape suivante en début d’après-midi; ce qui permet d’éviter les nuages qui ont tendance à se manifester en fin de journée (ou les grosses chaleurs). On part donc ce premier matin tôt par une grande route pleine de camions. Pas terrible pour le côté “randonnée en pleine nature”, mais il se trouve que les chinois sont en train de construire une usine hydroelectrique à Ngadi. L’impact sur le tourisme dans le coin n’est pas terrible, mais ça offre pas mal de travail aux locaux; et une nouvelle ressource d’énergie n’est pas de trop! Une fois passée l’usine, on rejoint rapidement des sentiers de randonnée beaucoup plus agréables qui traversent des villages agricoles avant de s’enfoncer dans la forêt où éclatent de magnifiques fleurs rouges.

fleur

Le chemin empruntera également le 1er pont suspendu que l’on traversera. Au grand dam d’Agathe, c’est loin d’être le dernier. Notre entraînement a été utile, et on décide de pousser un peu plus loin que prévu jusqu’à Jagat, un joli petit village tout en pierres. On dort dans un super hôtel recommandé par le gérant du restau où on a déjeuné quelques heures plus tôt, avec vue sur la rivière. Par contre, on comprend que le “deal” de la chambre gratuite inclut de prendre le petit déjeuner sur place. Le pain/fromage/miel/beurre de cacahouètes qu’on a emmené avec nous deviendra donc notre pique-nique du midi!

Jour 3 : Jagat-Dharapani (1900m)

Le troisième jour, les choses se corsent avec un chemin rocailleux en forte ascension. C’est beau, mais ça fait mal aux jambes! On plaint les porteurs qui montent ça avec des dizaines de kilos sur le dos.

On croise aussi sur notre chemin un champs de cannabis sauvage. Ça pousse comme de la mauvaise herbe! On comprend mieux ce qui a fait la réputation du Népal dans les années hippies…

cana

Plus ça monte, moins on croise de voitures évidemment; et ce sont les ânes qui transportent le sable pour les travaux de construction… et tout le reste.

Jour 4 : Dharapani-Chame (2710m)

Le sentier nous rapproche des hautes montagnes. Heureusement, on a pris des forces au petit déjeuner avec du tsampa porridge et du pain tibétain, une sorte de beignet (le gras, c’est la vie!). Le temps n’est pas au beau fixe et on sort les coupe-vents. On a même le droit à une petite averse (gentillette). Le midi sera notre dernier pique-nique, en forêt, car la température descend au fur-et-à-mesure que l’on prend de l’altitude. L’ascension de la veille se fait sentir et Agathe a mal aux jambes, Laurent aux épaules. Les muscles sont en train de se faire; et le sentier qui rejoint souvent la route n’offre pas de quoi détourner notre attention. Ce n’est certainement pas la meilleure journée. On traverse quand même plusieurs villages sympatiques, d’influence bouddhiste comme dans toute la région.

La soirée à Chame sera fraîche. Le chauffage est inexistant et les magasins et guests houses sont ouverts à tous vents (glaciaux). Nous faisons partie des rares trekkeurs à ne pas avoir de sacs de couchage avec nous; mais heureusement les hôtels ne rechignent pas à donner des couvertures.

Jour 5 : Chame-Upper Pisang (3310m)

Le sentier traverse une forêt dense, pour déboucher dans une vallée entourée de montagnes enneigées. On atteint les premières neiges en empruntant les sentiers secondaires et on sort les polaires. Le paysage est bien différent des premiers jours. On arrive à Upper Pisang, qui semble être un village fantôme quand nous nous approchons, avec la fumée accrochée aux maisons en pierre… mais nous décidons de passer la nuit dans une guest house tout en bois qui surplombe le village. On a une vue magnifique sur Annapurna III depuis la salle commune.

pisang

Le propriétaire de l’hôtel construit tout lui-même. Il y est depuis 4 ans et à vrai dire, ce n’est pas vraiment fini: la tuyauterie ne fonctionne pas et il nous apporte un sceau d’eau chaude pour que l’on puisse se doucher dans une salle de bain ouverte aux quatre vents. Ça fait frais, mais ça fait du bien (il faut dire qu’on transpire pas mal la journée).
A notre grand bonheur, un poêle a été installé la veille dans la salle commune. C’est une bonne occasion de se retrouver autour du poêle quand le soleil se cache et ça nous permet de rencontrer les autres trekkeurs aperçus au détour du chemin. On passera donc la soirée avec Mitch (hollandais), John (suisse allemand), Marie et Charles (québecquois), qu’on sera amenés à recroiser. Petite touche sympathique à cette soirée: le cuisinier rasta prépare notre repas une bouteille de rhum à la main. Il fallait bien fêter l’inauguration du poêle!

Jour 6 : Upper Pisang-Manang (3540m)

L’une des plus belles journées de la randonnée, mais également l’une des plus longues: 7h30-16h30. L’ascension continue et on troque les polaires contre nos blousons. On a choisi d’emprunter le sentier du haut, l’autre possibilité étant de longer la rivière et la route. Mais le chemin d’altitude est censé aider l’acclimatation… et on est servis! Le paysage est à couper le souffle, que l’on a déjà bien court : la journée démarre avec un dénivelé de 420m!
Mais ça vaut la peine. On est entourés des Annapurnas II, III et IV.

monaster

On croise de nouveaux villages en pierres, et nos premiers yaks (activité première des habitants.. avec l’accueil des trekkeurs). Agathe est bien contente d’avoir loué un bâton de marche à Pokhara avant le départ; Laurent troque le bâton en bois qu’il a trouvé en chemin contre un meilleur proposé par le gérant du restau où l’on s’arrête déjeuner. Ça ne l’empêchera pas de faire une petite chute dans l’eau: le tronc qui servait de pont au-dessus d’un ruisseau a cédé sous lui!

Jour 7 : Manang, journée d’acclimatation

Manang étant un point de chute obligatoire pour tout trekkeur (il est même recommandé d’y rester deux jours pour l’acclimatation à l’altitude), on s’attendait à y trouver de meilleurs prix qu’ailleurs. Le coût de la nourriture atteint en effet des sommets dans l’Himalaya. On déchante en arrivant: ici, on ne négocie pas, et les chambres ça se paie. Même internet -quand ça marche- est payant, à la minute!
On s’accorde tout de même une journée de répit avec une grasse matinée jusqu’à 8h. Pour ne pas perdre la main (ou le pied), on décide de monter au point de vue sur le glacier Gangapurna. En plus, c’est bon pour l’acclimatation. On retrouve en haut nos compagnons de guest house d’Upper Pisang qui dégustent un thé. L’endroit est très agréable; la descente l’est moins: on est pour la première fois confrontés à un sentier enneigé, et ça glisse! On est tout de même moins à plaindre que le pauvre cheval que l’on apercevra, entouré de vautours, en rentrant au village…

festin

Jour 8 : Manang- Yak Kharka (4050m)

On n’a pas de chance sur le climat ce jour-là. Le ciel est gris et les températures sont en chute libre. C’est dommage car le paysage est magnifique. Comme on commence à être en haute montagne, les journées se font plus courtes, et plus dures; surtout pour Agathe. Un peu du contenu de son sac passe dans celui de Laurent…

On restera dormir là où on a mangé le midi. Ce n’était pas le plan, mais un porteur que l’on croise régulièrement depuis le début du trek nous l’a conseillé.. et on a bien fait. La neige ne tarde en effet pas à tomber à gros flocons. Heureusement que nous sommes à l’abri.
En plus, le lieu est propice à la convivialité et on se retrouve tous- trekkeurs, guides et porteurs- à jouer aux cartes dans la salle commune. Un groupe de français (trois gars du sud-ouest) nous apprend un jeu népalais dont on ne connaîtra jamais le nom; et on découvre que le “trou-du-cul” est un jeu très apprécié et répandu parmi les guides et porteurs népalais!
Seul hic du jour (ou plutôt de la nuit): une souris a élu domicile dans notre chambre et passera la nuit à faire un rafût terrible.. jusqu’à ce qu’elle réussisse à nous voler une barre de céréales, vers 4h du matin…

Jour 9 : Yak Kharka-High camp (4850m)

La journée commence bien, sous un temps magnifique. Avec la neige fraîche de la nuit, c’est vraiment superbe! Tout contents, on ne voit pas venir l’attaque de yak contre Laurent! Heureusement, il ne l’a pas touché. On s’est juste fait une belle frayeur.. et un petit détour dans les buissons enneigés.

yak

Avec l’altitude, on se rend compte qu’on marche plus lentement. La dernière étape, du “Base camp” au “High camp”, est particulièrement difficile (400m de dénivelé en 1h de marche). De plus, on avait prévu de faire une pause déjeuner au Base camp pour prendre des forces avant la montée, mais on apprend que les lits sont en nombre limité en haut. On prend donc juste un thé pour se réchauffer et on attaque la côte. On a bien fait: on n’a pas besoin de faire demi-tour pour dormir!

On retrouvera là-haut Mitch, John, Charles et Marie, avec qui on passera une nouvelle fois la soirée. Cette nuit en très haute altitude (40m au-dessus du Mont Blanc!) sera de courte durée, et rude: le High camp est spartiate et l’hygiène y est trés limitée (les toilettes se résument à un trou dans le sol). Il n’y a pas d’eau, et on doit pour la première fois acheter des bouteilles d’eau purifiée (on la purifiait nous-même jusqu’ici, avec des pastilles): 210 roupies la bouteille!

Jour 10 : High camp- Muktinath (3800m), via le Thorong~La (5416m)

Aujourd’hui est le Jour J, celui du col que l’on attend et redoute depuis le début. Ce sera une grosse journée, avec presque 600m d’ascension, et 1600m de descente! Lever à 5h du matin, petit-déjeuner à 5h30, on est prêts au départ avec le soleil levant.

depart

La journée est comme prévu très dure pour Agathe. De son côté, Laurent court comme un cabri! Par contre, le froid n’épargne personne. L’eau gèle dans nos bouteilles et on converti une paire de grosses chaussettes en laine en gants car on ne sent plus nos doigts. Mais ça y est, on y arrive après 3h d’ascension. En haut on est accueillis par les félicitations chaleureuses de nos amis porteurs et trekkeurs. C’est le moment de faire une pause autour d’un thé et d’un café. Et oui, il y a un tea shop à 5400m d’altitude!

Youhou

La journée n’est pas finie pour autant, loin de là. La descente s’avèrera très difficile avec un mélange de boue et de neige fondue. Glissant… Un couple de tchèques rencontré à Yak Kharka nous accordera une pause bien méritée en nous offrant un thé en pleine montagne (ils sont mieux équipés que nous!). Cette descente restera l’un des moments les plus difficiles de la randonnée. Enfin, arrivés à Muktinath, on retrouve une nouvelle fois Mitch et les autres dans un hôtel incroyablement propre et confortable. Après ces deux jours particulièrement spartiates, la douche est un délice. On s’offrira un petit festin avec au menu Mo:mo au yak (raviolis vapeur) et jus de seabuck thorn, une baie locale.

Jour 11 : Muktinath-Kagbeni (2800m)

Pour les derniers jours, on marchera avec Mitch et John, rejoints par un autre hollandais et son guide. Nous voici donc accompagnés d’un guide, Deu (c’est son prénom), particulièrement sympathique et compétent, contrairement au guide “francophone” des trois gars du sud-ouest, qui était toujours 500m derrière eux!

A partir de maintenant les journées sont plus relax, et on peut même se permettre quelques visites culturelles. On verra ainsi à Muktinath un temple hindouiste et bouddhiste abritant le feu et l’eau (source et gaz naturel). C’est un haut lieu de pélerinage hindou, et on reconnaît tout de suite les indiens qui ont fait le déplacement: dès qu’ils voient un étranger, ils viennent se présenter et poser des questions (“tu viens d’où? Tu fais quoi? tu vas où?”)!

La majorité des trekkeurs s’arrête juste après le col. On dit donc aurevoir à pas mal de compagnons d’aventure avant de reprendre la route. Le décor change complètement et on traverse des canyons asséchés, le nez dans le vent. On arrive à Kagbeni, qui vaut vraiment la peine d’être visité. C’est un très beau petit village aux portes du royaume de Mustang (anciennement appartenant au Tibet). Ce sera l’occasion de goûter le fromage de yak et le cidre local- La vallée abrite en effet des plantations de pommiers!

kagbeni

Jour 12 : Kagbeni-Marpha (2670)

Dernier jour de marche. Le vent se lève à 10h du matin pour ne pas s’arrêter, comme tous les jours dans cette vallée.
Lors d’une pause thé, on se rend compte que nos montres ne sont pas exactement à la même heure que celles des autres. Etrangement, elles affichent toutes les deux le même retard… et c’est comme ça qu’on réalise, après presqu’un mois au Népal, qu’il y a 15 minutes de différence avec l’Inde, et qu’on était restés à l’heure indienne! Ça nous vaudra quelques railleries de la part de nos compagnons sur le reste du chemin…

Le lit de la rivière asséchée (hors saison des pluies) est transformé en sentier de randonnée et en route pour les jeeps et les bus (on en fera l’expérience le lendemain). Ce n’est pas la marche la plus intéressante, mais le village de Marpha en vaut la peine avec ses petits maisons blanches et ses tas de bois qui sêchent sur les toits.

marpha

On y visitera un monastère bouddhiste guidés par un petit moine plein d’énergie d’une douzaine d’années.
L’une des chaussures de Mitch ayant rendu l’âme, il est vraiment temps pour lui de retourner à la civilisation -comme pour nous- et on décide de rentrer ensemble à Pokhara. On réserve donc des chambres dans le même hôtel (celui où une partie de nos affaires nous attend). Par contre, ce sera notre dernier jour en compagnie de John, Jat et Deu qui continuent la randonnée un peu plus au sud. On fêtera ça avec une orgie de gâteaux, fruits de vagues tentatives de négociation de la part de Mitch (“Si j’achète tout le gâteau, j’ai une part gratuite?””). La soirée s’achèvera avec une dernière partie de Uno, jeu qui aura animé nos soirées ensemble, accompagnée de brandy local (pomme/abricot).

tous

Jour 13: Retour à Pokhara

La journée se passera dans le bus (de 7h30 à… 19h30) sur la route la plus pourrie qu’on ait vue. Ça en était sport de rester sur son siège. On vous laisse apprécier :

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Bref, ces deux dernières semaines, on n’a pas été chouchoutés. Alors ça méritait bien une petite remise en beauté chez le coiffeur/barbier, hein Laurent?

barbier

Après deux jours de repos et 13kgs de linge lavés, il est temps de repartir à Kathmandou où un vol pour la Thaïlande nous attend. C’est l’occasion de déguster une petite bouteille de vin offerte par Mitch pour les aurevoirs.

vin

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